Il est là, évâché sur le canapé. Il a posé ses pieds sur la table. Il a basculé la tête vers l'arrière pour fixé le plafond. Il siffle, s'est agaçant. Il tapote sur le dossier en montrant son impatience. Le silence régnait dans la cabane, s'en était insupportable en plus de lui et ses sons bizarre, j'allais finir par devenir fou. Je faisais tout pour l'ignorer, mais il me poussait de son pied encore et encore. « Allez Ichabod. Bouges-toi, je m'emmerde. » J’oscille, mais je ne dis rien, je fixe le vide. Je sens son impatience grandir et moi qui est de nature très patient, je ne le suis plus. Je pousse un grognement avant de me lever. Je contourne la table basse pour me rendre à la cuisine. Penché au dessus du frigo, il s'appuie contre la porte ouverte et me fixe. Il tend le bras et m'agrippe la joue. « Allez mon vieux, je m'emmerde. Je veux sortir. » Je me prend une bière toujours en silence en fermant la porte. Il me fixe et je vais l'avouer qu'à me regarder avec ses yeux battu, je ne peux pas lui dire non, mais je ne peux pas le laisser sortir, c'est pas vrai. Je décapsule la bière et le fixe dans les yeux avant de la descendre d'un coup. Je vois l'agressivité se dessiner sur son visage. Je lui fais un clin d'oeil avant de m'en prendre une autre pour faire la même chose en fermant les yeux. Lorsque j'ai ouvert les yeux à nouveau, il n'était plus là. J'ai poussé un soupire avant de prendre ma chemise. Je sors de la cabane et tire une casquette de la poche arrière de mon jean. Je me la plaque contre la tête et m'enligne à travers les arbres. Cette cabane était bien caché, bien loin des bordure là où les jeunes on tendance à traîné, c'était vraiment creux.
Je me glisse entre les arbres et regarde autour de moi dans tous les sens à chaque mettre que je fais. Je devais me rendre en ville pour récupérer des trucs. Je pouvais pas rester enfermer toute ma vie, même si c'est ce que je méritais, ou plutôt c'est ce que lui méritait. Je suis dans cette merde à cause de lui. Mains dans les poches je marche sans réfléchir, le regard vide. Mon visage avait prit de l'âge en dix ans. J'avais tellement changé et pourtant, on pourrait me reconnaitre. Depuis que j'étais sorti de taule, je ne m'étais même pas rasé et cette cicatrice que j'avais au menton depuis plus de quinze ans ressortait à merveille. Dure de ne pas se faire reconnaître quand il y a un trait si distinctif. Je m'arrête quand des bruits au loin m'alerte. Je me cache derrière un arbre en voyant un gamin se planter de plein de gueule. J'aurais roulé les talons pour retourner à la cabane, mais mon instinct m'a dit l'inverse. J'ai passé par dessus cet arbre au sol et j'ai couru dans sa direction. Je l'ai attrapé par le bras pour le redresser un peu. « Ça va gamin? »
C'était une belle journée pour faire du vélo en forêt et Ace regrettait que son frère Kylian n'ait pas pu venir avec lui, il lui fallait finir un devoir important et donc leur journée tombait un peu à l'eau. Tant pis, il irait seul aujourd'hui. Ace avait besoin de s'éloigner un peu de l'ambiance malsaine qui régnait depuis quelques temps à Spring Hill, c'était comme si la ville entière devenait totalement folle. Au moins en forêt, hors de la civilisation il ne se passerait rien de bizarre, il pourrait juste se sentir libre et penser un peu à autre chose. Voilà qui allait sans doute être une bonne chose, prendre l'air, et juste se dépenser un peu ça lui fera un bien fou. Ace se prit donc un sac à dos où il mit de quoi grignoter - toujours - une bouteille d'eau et quelques autres trucs qui on ne savait jamais allaient peut-être pouvoir lui servir. Ensuite, il prit son vélo et fila tranquillement hors de la ville direction un coin de forêt qu'il connaissait plutôt bien.
Sa petite balade se déroula sans encombre, en tout cas au début, il pédalait tranquillement, parfois se faisant quelques accélération, parfois jouant un peu avec les éléments qui l'entouraient. En tout cas, ça lui aérait l'esprit et il en était vraiment content. Malgré tout, ce n'était pas pareil sans Kylian et il commença à se demander si il n'aurait pas du faire autre chose et puis remettre ça à une autre fois. Oui mais qu'aurait-il bien pu faire sinon? Telle était la question. Ça ne servait à rien de spéculer là-dessus, maintenant qu'il était là, autant se concentrer sur le moment présent. Concentration qu'il aurait peut-être du avoir puisqu'il lui sembla qu'un petit animal venait de traverser à toute allure le sentier sur lequel il se trouvait, sauf que forcément comme ça le surpris il tenta de l'éviter et se ramassa magnifiquement. La violence de la chute l'étourdit légèrement et il sentit quelques douleurs un peu partout sur son corps, en essayant de se relever Ace se dit qu'il était bien content de toujours mettre ses protections lorsqu'il sortait en forêt parce qu'une chute d'une telle violence lui aurait causé sans aucun doute bien plus de mal que les quelques douleurs qu'il ressentait maintenant. Il manqua d'avoir une crise cardiaque quand il sentit quelqu'un lui attraper le bras et l'aider à se redresser avant de lui demander si ça allait. "Heu...ouais, merci." Ace jeta un rapide coup d’œil en direction de son vélo au sol, il ne lui sembla pas endommagé, en tout cas il l’espérait parce qu'il n'avait aucune envie de faire tout le trajet inverse à pied. Il se retourna ensuite vers la personne qui venait de l'aider et vit alors le visage d'un homme. "Vous m'avez foutu la trouille, je ne m'attendais pas à croiser quelqu'un par ici."
J'ai toujours su que mon instinct m'amènerait là où je devrais être. Parfois je me dit que je devrais ignorer les signaux qu'il me lance, mais c'est tellement dure que j'en suis esclave. Depuis que j'ai conscience que Callahan est nul autre que moi, je me dis que ce serait mieux que j'oubli tout ça, tout ce qui se passe autour de moi et que je me focalise sur ma propre personne. Je suis en rien égoïste, encore moins égocentrique, donc je n'arriverai jamais à rien. C'est comme cette histoire de tentation, le seul moyen de la combattre, c'est de céder. Je me laisse bercer par mon instinct, je la laisse me guider dans mes pas parce que c'est tout ce qui me reste. Je n'ai pratiquement pas revu ma femme en dix ans. Je ne l'ai pas vu depuis trois ans. Mon coeur me disait de la rejoindre, mais cet instinct me disait qu'il était préférable de rester à l'écart et pourtant, c'est ce que j'ai fait. J'ai cette difficulté à accepter le fait que je me dois de rester loin de ma famille. Ils me manquent, tous autant qu'ils sont, mais je crains le pire avec Callahan.
Puis vient ce gamin et cette débarque à vélo. Je l'ai regarder, je l'ai aidé et mon coeur me criait quelque chose que je n'aurais jamais pu ignorer. Je n'ai pas comprit tout de suite, jusqu'à ce que mon regard croise celui du gamin. J'ai l'impression de perdre ma couleur, j'ai l'impression d'avoir tant perdu. J'ai l'impression que mon visage se décompose. Je suis resté figé à le regarder. J'ai suivit ses mouvements jusqu'à ce que je me retrouve en position latéral. J'ai difficilement avalé ma salive et j'ai gardé le silence. Il m'a fallu un moment avant de baisser les yeux vers son vélo. Je me suis raclé la gorge avant de m'en approcher pour le redresser. À le regarder la chaîne semblait débarquer. J'ai replacé ma casquette d'une main pour la ramener le plus bas possible et je pose un genoux à terre. « T'as fait une sacrée chute, ton pédalier à prit un sale coup. » Ce n'était pas la première fois que je voyais ça. La première fois que j'avais vu ça, j'avais un filleul en larmes les genoux écorchés qui me suppliait de réparer son vélo. C'était si loin, pourtant je m'en souvenais comme si c'était hier. « Un petit coup par ici. On rembarque la chaîne. Et voilà. » Je l'ai appuyé contre un arbre après m'être redressé. J'ai essuyé mes mains contre mon jean sans me retourner vers lui.
Drôle de coïncidence que de trouver quelqu'un au beau milieu de cette forêt. Il arrivait qu'au milieu d'une ville remplie d'habitants on ne croise parfois personne mais dans une forêt où il n'y avait pas âme qui vive là il était possible de tomber sur quelqu'un. Ace ne comprenait vraiment pas la logique de certaines choses des fois. Enfin, au moins il avait trouvé quelqu'un pour l'aider un peu et il n'allait pas s'en plaindre. D'autant plus que l'homme qui venait de lui porter assistance lui fit remarquer que son pédalier en avait prit un coup. "Ah ben génial..." Heureusement pour Ace, l'homme semblait s'y connaître et lui répara ça en moins de deux. Il n'avait pas trop fait attention jusqu'à maintenant, mais la situation semblait lui rappeler quelque chose. Enfin...c'était compliqué, c'était comme si il avait un souvenir qui cherchait à remonter à la surface mais qu'il n'arrivait pas à le faire. Et puis, maintenant qu'il y pensait le visage de ce mystérieux homme lui semblait familier. C'était difficile à dire, il ne l'avait pas bien regardé et sa casquette l'empêchait de distinguer quoi que ce soit. Ça l'énervait presque de ne pas réussir à se souvenir de quoi que ce soit... ou bien il se faisait des illusions, peut-être n'était-ce qu'une impression. "Merci beaucoup, on peut dire que vous êtes tombé à pic." Lorsque l'homme se retourna vers lui, Ace continua d'avoir cette impression qu'il le connaissait, mais il n'allait pas lui demander "Hé! On se serait pas déjà vus quelque part?" c'est un peu stupide comme question et surtout si ils s'étaient déjà bel et bien rencontrés ça donnerait l'impression qu'Ace l'avait oublié et ça il ne le voulait pas.
Ace réfléchit une seconde de plus...puis il finit par se dire que dans ce cas si il avait déjà rencontré cet homme...lui aussi l'aurait reconnu et à ce moment-là Ace n'aurait pas eu l'impression d’interagir avec un inconnu. Il se faisait donc probablement des idées quand bien même il lui semblait qu'en son fort intérieur quelque chose venait de se réveiller et n'attendait plus que le déclic lié à un souvenir pour se manifester. "Vous êtes venu faire quoi dans cette forêt? Vous êtes un genre de chasseur?" Pourquoi cette supposition? Parce que cet homme n'était absolument pas habillé en joggeur et qu'il ne pouvait pas y avoir 36 000 autres raisons qui le conduisait à être présent dans cette forêt. Enfin...il manquait tout de même un fusil ou bien un chien.
Le temps frappe les gens. Ils sont marqué de façon différente et ce gamin et moi étions la preuve vivante. La dernière fois que j'avais vu son visage, il n'avait que dix ans, moi j'en avais trente-huit. Une décennie entière nous sépare et pourtant je le reconnaîtrais entre mille. Lui ou son frère. Tout comme Erik. J'ai passé tellement de temps a penser à quoi ils ressembleraient au jour ou j'aurais la chance de sortir. J'ai raté ma vie et pourtant me voilà devant lui. Je suis resté près du vélo un moment, j'étais prêt à éviter son regard pendant un moment et pourtant je n'y arriverais pas pour longtemps. Je le sais, c'est plus fort que moi. Quand il s'agit de ma famille, je perd un peu la notion logique de la vie. Mon coeur me guide et je ne peux pas faire autrement, même si j'essaie. Je retombais dans le passé avec ce vélo. J'ai passé mes mains sur mon visage. Je ne sais pas si ce sont les ressentiments ou la fatigue qui me rende aussi perplexe. J'avais envie de retourner dans cette cabane et y rester caché pour encore longtemps. Puis est venu la question. J'ai levé les yeux vers lui sans pour autant le regarder dans les yeux. J'ai glissé ma main sur ma casquette avec ce sourire en coin bien à moi. « Un chasseur, ouais. J'ai une cabade dans la forêt. »
Puis soudainement, j'ai cette présence derrière moi. Il se penche par dessus mon épaule et fixe le gamin. Je sens sa respiration à mon oreille. J'aurais du boire un peu plus, je n'aurais pas eut à l'endurer. Il grogne, trop prêt de mon oreille et je sens la nervosité monter en moi. J'ai une main qui tremble et je la fous dans ma poche en serrant la mâchoire. Il prend appuie sur mon épaule et puis il se penche près de mon oreille pour me parler. « C'est qui ce gamin. » Je fais tout pour ignorer ce qu'il me dit et pour ne pas faire paraitre cette angoisse qui me tient soudainement par la gorge. Moi je l'ai reconnu, mais lui non. C'était peut-être mieux qu'il ne le reconnaisse pas. Il continu, il m'énerve en balançait toute sorte de son à mon oreille. Je finis par perdre patience. « Ace. C'est Ace. » Je réalise que je viens parler à voix haute, que Ace est face à moi. Je lève la tête et je croise réellement son regard pour la première fois. Je fais un pas et puis deux vers l'arrière. « Je-je vais y aller. » Je tourne les talons en ayant ce frisson. Je reprend la direction de laquelle que je suis arrivé. Je maudissais Callahan de m'avoir grillé de cette façon.
Accueil
