Before the party [TC ouvert]

Alors que je rangeais les deux petits tubes remplis du sang de la victime dans le compartiment de la mallette alloué aux éléments recueillis sur la scène de crime, Alison eu comme une sorte de révélation. Elle me fit remarquer avec une fougue plutôt déplacée au vu de la situation actuelle, que toute cette affaire ressemble comme deux gouttes d’eau à l’intrigue de mon tout dernier roman. Merci, j’avais remarqué … ! Je lui rétorqua que tout ceci n’est qu’une coïncidence, et que nous ne disposons d’aucune preuve tangible pour formuler une telle hypothèse. Je lui rappelle également que nous sommes des scientifiques, et que nous ne devons sous aucun prétexte nous lancer dans des spéculations. Ca, c’est le travail de la police. Nous, nous devons rester dans la rationalité en nous fiant uniquement aux indices dont nous disposons pour formuler nos conclusions. Inutile donc d’attiser la panique ambiante, en affirmant que l’assassin est un déséquilibré s’inspirant de mes romans pour commettre ses méfaits. Par ailleurs, cela aurait de quoi orienter les soupçons vers moi. Toutefois, nous ne sommes pas dans Basic Instinct. Je doute que la police soit assez dupe pour penser que je puisse être l’auteur de cet ignoble crime. Du moins, j’ose l’espérer. Tiens, ça me fait penser que mon éditrice m’a laissé un message un peu plutôt dans la journée, dans lequel elle m’annonçait toute joyeuse qu’une séance de dédicace sera organisée le week-end prochain. Je crains fort être contrains de l’annuler. Cette affaire risque de monopoliser tout mon temps. La presse va certainement nous tomber dessus comme la misère sur le monde afin d’avoir des réponses. Tandis que nous nous apprêtions à emballer le corps dans l’opaque sac mortuaire, trois hommes en costume que l’on croirait tout droit sortis de New-York Police Judiciaire, s’approchent du corps inerte du Maire.

C’est sur un ton mécontent que je m’adresse à eux en écarquillant des yeux grands comme des billes. « Qu’est-ce … qu’est-ce que vous faites ? Ne touchez pas au corps ! ». Le plus âgé des trois, qui semble être dans la seconde moitié de la trentaine, sort une plaque qu’il m’agite sous le nez et se présente comme étant l’Agent Spécial Coleman du FBI. Mon visage doit probablement renvoyer une image de surprise et d’incrédulité, puisqu’il s’empresse d’ajouter que cette affaire est à présent un crime fédéral qui relève de l’autorité du FBI. Je déteste le Bureau Fédéral d’Investigation. J’ai travaillé comme consultant à leur côté, lors d’un enquête pas le passé. Ces gars là se prennent pour les rois du pétrole et se croient vraiment tout permis. Ils ne sont pas du genre à s’encombrer de scrupules, et adorent s’octroyer la gloire et les lauriers pour eux tout seuls. Toutefois, ce n’est rien comparé à leurs médecins légistes. Je n’ai jamais vu de pareils incompétents. Ils expédient et bâclent leur travail, plus préoccupé à planifier leur future partie de golf, plutôt que de savoir ce qui est arrivé aux personnes qui atterrissent sur leur table d’autopsie. En me penchant légèrement sur le côté, j’aperçois des techniciens en combinaison qui passent la scène de crime au peigne fin. C’est d’une oreille discrète que j’écoute le flot de parole de l’Agent Coleman. Toutefois, je finis par tiquer lorsqu’il affirme qu’il est temps de laisser la place aux vrais professionnels. Oh, mauvaise idée. Parmi mes nombreux défauts, l’orgueil et la vanité arrivent sans conteste en tête de liste. Ce qu’ose sous-entendre ce mec se prenant pour un cow-boy, est à mes yeux la pire insulte qui puisse être. Dans une lenteur théâtrale, je me relève et m’approche de cet impertinent agent. Prodigieusement agacé, je toise du haut de mon mètre quatre-vingt treize, cet homme faisant au bas mot deux têtes de moins que moi.

Ses collègues portent leur mains à leur ceinture, prêts à dégainer leur armes si d’aventure la situation venait à dégénérer. Il faut que je tire tout cela au clair. Je dis à mon interne de ne pas quitter le cadavre des yeux, et surtout de ne pas laisser ces bourrins du FBI s’en approcher davantage. Je porte mon attention sur le garde du corps du Maire, qui m’a passablement molester verbalement un peu plus tôt, et lui demande si je peux également compter sur lui. Le malabar reste stoïque et se contente d’opiner du chef en guise de réponse. Après lui avoir donner un petite tape sur l’épaule du style « brave bête », je me dirige vers le policier avec qui je fais équipe depuis quelques mois. Il est entrain d’interroger une jeune invitée un peu plus loin sur la plage. Lorsque nous résolvons une énigme et que le meurtrier est derrière les barreaux, lui, Alison et moi même avons coutume de célébrer la fin de l’enquête autour d’un verre dans un des nombreux bars de la ville. Arrivé à sa hauteur, je me permets de l’interrompre. « Inspecteur Ellison. Que fait le FBI ici ? Je pensais que nous allions être en charge de cette affaire. ». Il semble tout aussi désabusé que moi. L’inspecteur m’explique que cela relève d’une sombre histoire de juridiction, et qu’il ne peut rien y faire. Il ajoute que c’est un ordre direct émanant du nouveau Maire de la ville. Le nouveau Maire ? Tiens donc … . En voilà un qui n’a pas perdu de temps. A la question « A qui profite le crime ? », il semblerait que nous ayons déjà quelques éléments de réponses … . Navré, Ellison s’excuse et reprend la déposition de la jeune femme qu’il interrogeait. D’un pas soutenu et transpirant la colère, je retourne vers le corps du Maire tout en retirant avec beaucoup d’énervement mes gants. Dans un agacement à peine voilé, je plaque avec autorité mes gants maculés de sang contre le buste de l'Agent Coleman, souillant ainsi sa chemise blanche.

S’il vouait faire du zèle, il pourrait probablement m’embarquer pour agression sur un Agent Fédéral. Je tourne la tête vers mon interne, qui sentant le coup venir a déjà remballé tout notre matériel. Amer et aigri, je finis par briser le pesant silence. « Rentrons Mademoiselle Raynes. Nous n’avons plus rien à faire ici. ». Aussitôt Alison empoigne sa mallette et lève le camp. Je lui emboîte le pas après avoir défié du regard un dernière fois l’agent officiellement en charge de ce dossier. Après avoir rejoint mon élève, celle-ci me demande à voix basse si je compte mener en parallèle ma petite enquête. Sourire aux lèvres, je la dévisage et lui réponds sur un ton complice. « Vous commencez à bien me connaître Mademoiselle Raynes. Je vais analyser et passer au crible le peu d’éléments que nous avons recueillis, et dont ne disposent pas encore le FBI. Avec un peu de chance,  la lumière sera rapidement faite sur toute cette histoire. Si l’agent Coleman et ses sbires découvrent ce que je m’apprête à faire, ils auront une raison valable de m’inculper pour obstruction dans une enquête fédérale. Je comprendrais donc si vous ne souhaitez pas être mêlée à tout cela. ». Du tac à tac, Alison me répond qu’il n’y a aucun problème et qu’elle est partante. Visiblement, l’idée de se rebeller et de défier en secret le FBI, semble la mettre en joie. Ah, la vigueur et l’insouciance de la jeunesse … c’est beau. Une fois nos affaires rangées à l’arrière du fourgon, nous prenons place à l’avant de ce dernier. Sans plus tergiverser, Alison met le contact et file tout droit vers la morgue du commissariat à Timber Pines, afin que nous puissions procéder sans plus tarder aux premières analyses. Quelque chose me dit que cette soirée marque les prémisses de longues nuits blanches en perspective … .